La France toujours championne européenne de l'attractivité, malgré des fragilités à surveiller

Selon le baromètre EY sur l’attractivité publié le 2 mai, la France a accueilli 1194 projets étrangers en 2023, dont 530 usines. Elle reste la première destination des investissements directs étrangers en Europe, mais l'implantation de nouveaux sites devient de plus en plus disputée sur le continent.

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La France toujours championne européenne de l'attractivité, malgré des fragilités à surveiller
La France a attiré 530 projets d'investissement étrangers dans des usines en 2023, dont ceux du laboratoire britannique GSK

Quelques jours avant le sommet Choose France de Versailles, prévu le 13 mai et où sont invités comme chaque année plus d’une centaine de grands patrons étrangers, l’exécutif ne va pas bouder son plaisir. Publié le 2 mai, le baromètre d’EY, qui fait référence en matière d’attractivité, confirme que la France est restée, pour la cinquième année consécutive, la première destination en Europe pour les projets d’investissements étrangers. En 2023, le pays a accueilli 1194 projets d’implantations ou d’extensions de la part de groupes étrangers. Avec une autre méthodologie, Business France avait répertorié en début d’année 1815 projets.

Un tassement des projets d'investissements étrangers en Europe

«L’économie française est solide. Oui, elle est attractive. Et non, ce n’est pas un hasard. La stabilité de notre politique de l’offre est saluée unanimement par les investisseurs», se félicite le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. Dans un contexte morose pour les investisseurs – entre taux d’intérêt plus élevés et brouillard persistant sur les perspectives de croissance –, la dynamique s'est certes un peu essoufflée.

L’an dernier, le nombre de nouveaux projets choisissant l’Hexagone a baissé de 5%, même si leurs retombées en emplois restent en croissance pour 2023. Mais la France ne fait pas pire que l’Europe dans son ensemble, en repli aussi de 5% en moyenne. Aux incertitudes économiques s'ajoutent par ailleurs la concurrence de l'Inflation reduction act (IRA) américain : les groupes américains, toujours les principaux investisseurs étrangers en Europe, ont réduit de 15% leur nombre de projets sur le Vieux continent cette année, préférant arbitrer en faveur d'investissements à domicile.

Dans la compétition européenne, le match se resserre avec le Royaume-Uni, qui a convaincu 985 projets étrangers l’an dernier. Chamboulée dans son modèle économique, l’Allemagne se retrouve à l’inverse distancée, avec une baisse de 12% des intentions d’investissement retombées à 733 projets.

Moins de centres de R&D

Mais après des années fastes, elle a peut-être mangé son pain blanc. Même si la France continue de profiter d’une image avantageuse dans les sièges mondiaux, «il lui faut trouver un second souffle. La France a profité ces dernières années d’un rattrapage, principalement dans l’industrie. Mais elle ne progresse pas suffisamment dans des secteurs où elle devrait marquer des points», résume Marc Lhermitte, associé EY. Le pays reste à la traîne du Royaume-Uni pour attirer les centres de décisions européens et les services financiers. "Les implantations de centres de R&D ont marqué le pas, passant de 143 à 123 projets entre 2022 et 2023. «Et la R&D est moins perçue comme un facteur différenciant du pays que les années précédentes, quand on interroge les dirigeants», souligne Marc Lhermitte, malgré l’avantage du crédit d’impôt recherche (CIR). Ces signaux faibles n'alarment pas l'exécutif. «Mais la France reste le premier pays pour les centres de recherche», pointe l'Elysée en soulignant notablement la pole position de la France pour l'implantation de centres dédiés à l'IA en Europe.

Même dans le secteur industriel, d’autres points d’alerte émergent. Avec 530 investissements annoncés dans des sites de production en 2030, contre 409 en 2019 avant la crise du Covid, la France a réussi à capter le tiers de l’ensemble des projets en Europe. Malgré le battage médiatique autour des gigafactories, les projets restent de taille modeste en emplois, avec 38 emplois en moyenne par usine, même s'il progresse doucement. Au Royaume-Uni, la moyenne est à 98 salariés prévus et 180 en Espagne. Le gros du contingent concerne de fait des extensions de sites existants, et non des nouveaux sites.

Un repli des investissements étrangers dans la chimie et l'agroalimentaire

Surtout, certains secteurs comme l’industrie agroalimentaire et la chimie lourde peinent désormais à convaincre les groupes étrangers. Le nombre de projets a baissé de 24% en un an dans la chimie et la plasturgie. Avec 61 projets, dont trois extensions d’usines du groupe américain Mars annoncées lors du dernier Choose France, l’agroalimentaire enregistre une baisse de 23%. Pour Marc Lhermittte, si la crise de la chimie européenne est plus générale, il faut y voir «le poids de la grande distribution, une exception européenne. Les groupes étrangers ont mal vécu aussi le 'name and shame' des pouvoirs publics sur les marges sur les produits alimentaires».

Une analyse que l'exécutif nuance, en pointant que « sur l'industrie agroalimentaire, la baisse du nombre de projets concerne l'ensemble de l'Europe. Et les décisions d'investissements annoncées en 2023 ont été prises en 2022, au coeur de la crise énergétique. Malgré cela, le pays est resté attractif ».

La France n'a donc pas intérêt à se reposer sur ses lauriers. Malgré la baisse des impôts de production, le plan d’investissement France 2030 ou la loi industrie verte pour faciliter les ouvertures d’usines, «la France reste un pays cher pour les investisseurs étrangers», pointe l’associé d’EY. Or la compétition s’intensifie en Europe. A l’Est du continent, le nombre de sites de productions annoncés par des groupes étrangers progresse fortement. Pologne (+17%), Turquie (+12 %), Serbie (+30 %) et Hongrie (+70%) sont devenues ces dernières années un hub de la production de batterie en Europe et des investissements chinois sur le continent.

L'Espagne, concurrente de plus en plus sérieuse pour attirer des projets étrangers

Dans la bataille pour attirer des usines, l’Espagne est devenue le plus sérieux compétiteur de la France, avec laquelle elle se trouve de plus en plus souvent en balance dans la décision finale d’investissement. «Le différentiel salarial est moins fort qu’avec l’Europe de l’Est. Mais le pays a aussi accès aux fonds régionaux, il a du foncier et de l’énergie d'origine renouvelable disponible, notamment au sud de l’Espagne», souligne encore Marc Lhermitte. L’Italie s’est aussi remobilisée, avec à la clef une augmentation de 20% en un an des projets d’usines sur son territoire.

Or, l’attractivité se déplace sur de nouveaux terrains. Au-delà des usines, la bataille se joue de plus en plus sur l’implantation de services aux entreprises à plus forte valeur ajoutée, comme des plateformes de codeurs ou des sites de marketing digital. Des sites capables de fournir de l’emploi qualifié en nombre, mais sur lesquels la France est à la traîne. La faute au coût du travail, mais aussi à un manque de bâtiments tertiaires adaptés dans les villes moyennes par exemple… «Il faut faire pour ces services les mêmes efforts que ceux réalisés pour l’industrie ces dernières années», estime EY. La seule solution pour continuer à se maintenir en pole position.

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