Utiliser son compte personnel de formation coûtera désormais 100 euros
A partir du 2 mai, mobiliser son compte personnel de formation (CPF) coûtera 100 euros. Le décret instaurant ce «reste à charge» pour les utilisateurs est paru le 30 avril. L'Etat en espère une économie de 200 millions d’euros par an, quand d'autres s'inquiètent d'un ralentissement de l'utilisation du CPF, qui a réussi à entraîner les salariés les plus éloignés de l'emploi vers la formation.
C'est la fin d’une promesse, celle d'une formation à la main du salarié, qui ne lui coûterait rien, sinon un peu de patience pour garnir son compte personnel de formation (CPF). A partir du 2 mai 2024, indique un décret publié le 30 avril, toute personne souhaitant suivre une formation financée par son CPF devra mettre la main au porte-monnaie, à hauteur de 100 euros par formation.
Le ministère du Travail, comme d’autres, devait trouver un moyen de contribuer aux 10 milliards d’euros d’économies demandées à l’Etat en 2024. Or les dépenses liées à l’utilisation du compte de formation se sont envolées depuis qu’il est libellé en euros (2019) et facile à mobiliser. France Compétences a prévu de lui consacrer 2,2 milliards d’euros en 2024 – contre 2,6 milliards en 2021. La mise en place de ce «reste à charge» devrait permettre à l’Etat d’économiser 200 millions d’euros sur sa dotation annuelle à France Compétences.
Tester la motivation des utilisateurs du CPF
Ces 100 euros pourront être pris en charge par l’employeur ou un opérateur de compétences s’ils abondent le compte, et ne seront pas dus si le salarié est en reconversion, utilise son compte pénibilité pour financer sa formation ou est atteint d’une incapacité. Le montant de ce forfait sera mis à jour chaque année au 1er janvier pour tenir compte de l’inflation.
Hormis des économies directes pour l’Etat, la mise en place de ce reste à charge vise également à tester la motivation des utilisateurs. En 2022, seuls 57% de ceux qui se sont engagés, avec leur CPF, dans une formation certifiante ont obtenu leur certificat. Inquiets que ce nouveau coût de 100 euros ne décourage salariés et demandeurs d’emploi, plusieurs organismes de formation, emmenés par Lingueo, songent à créer un fonds de dotation. Il permettrait de soutenir les personnes pour qui ces 100 euros sont un obstacle. Quitte à, ils y réfléchissent, conditionner cette aide à l’obtention du certificat.
Un accès au permis moto bientôt limité
Une autre piste d’économie envisagée par le gouvernement fera l’objet, prochainement, d’un second décret : limiter le succès du permis moto. S’il est possible depuis l’origine de financer un permis auto, bus, camion, avec son CPF, le compte personnel permet également, depuis janvier 2024, de décrocher un permis moto. Le but était d’aider ceux qui privilégient la moto à la voiture, trop chère, pour se rendre au travail.
Mais la mesure a présenté un effet d’aubaine pour tous ceux qui rêvaient de s’offrir un permis moto : selon la Caisse des dépôts, les demandes de permis moto ont bondi au même niveau que celles de permis voiture dès les premiers mois de 2024. Le gouvernement envisage donc de restreindre l’utilisation du CPF au financement d’un seul permis de conduire. Autrement dit, pas de permis moto pour ceux qui ont déjà le permis voiture. Selon Les Echos, cela a entraîné une demande accrue de permis moto depuis quelques semaines…
Selon un bilan à fin mars 2024 de la Caisse des dépôts, 40,7 millions de personnes sont dotées d'un compte personnel de formation. 7,5 millions de dossiers de formation ont été financés depuis novembre 2019, à hauteur de 1400 euros en moyenne. Les salariés du privé disposent, en moyenne, de 2200 euros sur leur compte. Les syndicats craignent que salariés et demandeurs d'emploi ne renoncent à utiliser leur CPF s'il leur en coûte 100 euros.
D'autant plus dommage que le CPF, selon un bilan dressé début 2024 par France compétences, «a un effet de réduction des écarts dans l’accès à la formation, observés de longue date dans le champ de la formation professionnelle continue». En effet, poursuit l'organisme, «en 2022, les demandeurs d’emploi demeurent les principaux bénéficiaires du CPF (29%), suivis des employés (26%) et des ouvriers (15%), loin devant les cadres et professions intellectuelles supérieures (11%), disposant par ailleurs d’opportunités de formation plus fréquentes».